11/10/2013

Chapitre 4

Tout ce qui passe


Ta vie, je la vois se défiler. Et cela aussi vite que ce train que tu n'as pas pu prendre. Tu es restée seule sur le quai, avec la promesse de le prendre un jour avec moi. Mais la vie en a voulu autrement, et tu t'éloignes de moi doucement.



Des cheveux blancs, des rides, la santé défaillante, puis la mort. Tel était le lot des humains depuis des milliers d'années. Depuis ma génération, personne n’est censé disparaître, car nous avons vaincu la grande faucheuse à coups de "pilules de jouvence".

Mais la mort programmée dans chacune de nos cellules devait le rester à jamais pour certaines personnes. Les "Enfants d'Hadès" sont ceux qu'elle emporterait inexorablement dans sa chute. Ils ne sont que quelques centaines sur toute la planète... À quoi bon se soucier de ces erreurs de la nature ? Ils ne sont pas sensibles au traitement de toute façon. Aucun laboratoire n'a voulu nous aider, cela demandait trop d’investissement. Mais la voir vieillir ne fut pas le plus dur...

- C'est trop dur ? Mais non voyons, c'est parce que tu ne prends pas le problème dans le bon sens. Regarde, il suffit d'utiliser une fonction trigonométrique. Si tu prends le cosinus de theta et que ... Alexandre ?... ALEXANDRE !!!

- Hum ? Quoi ?

- Je rêve ou tu étais en train de prendre le thé avec Morphée ?

- Mor... Morphée ?

- Tu somnolais, espèce de marmotte ! Je ne suis pas venue t'aider à réviser ton examen pour te voir roupiller.

- Ex... Excuse-moi Estelle. Je ne dors pas beaucoup en ce moment.

- Ah
 oui ? Qu’est-ce qui te turlupine à ce point ?

- Et bien je... huuum... voilà... en fait je... réfléchis beaucoup, et j'ai l'impression que toute ma vie dépend de ce moment. Humm.... tu.... tu vois... Il... Il y a certaines plantes qui... Non, en fait, je vais prendre des planètes, c'est mieux, c'est plus dans ton domaine. T'as donc des planètes, qui sont trop près du soleil, elles brûlent... et trop loin, elles gèlent... Et bien... rares sont celles qui se trouvent dans la zone habitable, l'équilibre parfait. Une étoile peut à la fois prendre des vies et les créer... Les planètes dans la zone habitable sont souvent petites et on ne peut pas les détecter avec des télescopes basiques... Hum...

- Continue, Galilée.

- Hum, arrête, s'il-te-plait, avec les surnoms, ça me perturbe. Eh bien voilà... pour qu'une magnifique planète développe une multitude d'espèces vivantes, il faut des conditions très spéciales... et rares sont celles qui perdurent assez longtemps. Ce que... ce que je n'arrive pas à te dire c'est qu'il... il y a une fille qui tourne dans ma tête depuis... un petit moment, mais je... je ne sais pas si... si je suis trop loin ou trop proche d'elle... est ce qu'elle... est-ce qu'elle me considère comme un ami ? Ou comme le pire des imbéciles qui ne sait même pas s'exprimer correctement ?... Et... est-ce qu'elle considère que je suis dans sa zone habitable ?... Je voudrais tant savoir...

- Oh... tu... tu veux être son satellite ? Et tu ne sais pas si elle sera ta fidèle étoile.

- Euh oui... tu... tu résumes bien.

- Alala mon p'tit Alexandre, ton cerveau est un véritable labyrinthe. Heureusement pour toi, j'arrive à décrypter à peu près ton langage. La réponse c'est oui ! Gros bêta, tu peux tourner autour de moi. Mais à une seule condition, tu dois me répondre franchement.

- Tout... tout ce que tu veux.

- Tu connais la réponse à ce problème, n'est-ce pas ?

- Hum... oui...


Les problèmes n'ont jamais été un souci pour moi, je trouvais toujours une autre façon de les aborder, de les résoudre. Par la suite, nous en avons affronté de nombreux ensemble, car nous étions devenus inséparables.
Ça... c'était censé durer pour toujours. Jusqu’à ce qu'elle découvre, au plus haut de sa tête, un tout petit cheveu blanc. Le doute avait été semé, et il devint une certitude après des examens.

Je lui avais parlé maladroitement pour savoir si elle voulait bien de moi, elle m'avait parlé adroitement pour me demander si je voulais toujours d'elle.

- Tu vois la nébuleuse là-bas ? Celle au centre de la constellation d'Orion.

- Hum... Ah, oui, la petite tache blanchâtre là-bas !

- Oui. Tu sais qu'elle était une magnifique étoile avant ? Puis le temps a passé et, puisqu'il ne va que dans un sens, un jour l'étoile a explosé. Mais le plus merveilleux, c'est que de ses cendres naissent à présent d'autres étoiles, bien plus brillantes... d'autres planètes, d'autres lunes. Qu'est-ce que tu en penses ?

- C'est un peu comme sur Terre avec le cycle de la vie. Les choses naissent, meurent, et se décomposent pour donner naissance à quelque chose de plus complexe encore. Et ainsi de suite...

- Oui... Les humains d’aujourd’hui s’enorgueillissent d'avoir brisé ce cycle pour leur profit personnel.

- Mais il n'y a rien de mal à ça… J'veux dire, n'importe qui est ravi de profiter un peu plus de ce que la vie nous offre.

- Oui mon chéri, mais... malheureusement ce n'est qu'une utopie.

- Pour moi elle est bien réelle. J'vais avoir trente-cinq ans et j'en parais dix de moins.

- Non tu ne comprends pas. Ce que je veux dire, c'est que nous faisons partie intégrante de cet univers. Et même avec toute la meilleure volonté du monde, la nature aura toujours le dernier mot. Et... vois-tu, je suis comme cette étoile.


C'était dit. Simple, rapide et efficace, mais je ne voulais pas comprendre. Et aussi loin que je me souvienne, toutes nos discussions phares (celles qui changeaient nos vies) ont toujours été illustrées par nos passions communes. Il y avait peut-être là-dedans, le besoin de trouver un terrain familier pour y développer des sujets qui nous dépassaient.

Le soir-même, je lui dérobai ce cheveu blanc pendant son sommeil. C'était une aberration pour moi, un problème qui n'avait pas lieu d'être. Puis un autre est apparu... puis plein d'autres. Elle perdit son travail, sous prétexte qu'à cause de son âge, elle n'était plus assez compétitive. Elle était devenue méprisable aux yeux des gens. Leurs regards, leurs moqueries, leurs chuchotements, voilà ce qui était véritablement dur. Parce que, bien que je l'aime toujours autant, ce sont eux qui me rappellent ô combien elle s'éloigne de moi... jours après jours.

Mais il ne passera pas une journée, pas une seule de mes pensées, pas un seul de mes souffles, sans que je ne me batte. Tout problème a sa solution, et pour elle, je trouverai.


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Edit / Merci à DerelionFM pour leurs relectures ;)
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